Vers une vocation culturelle pour l’église Sainte-Jeanne-d’Arc
À moins que l’archidiocèse de Québec ne bloque la transaction, l’église Sainte-Jeanne-d’Arc devrait devenir un lieu consacré à la culture au cours des prochaines années. La paroisse Saint-Joseph-de-Lévis a accepté l’offre d’achat déposée par Lily Thibodeau, chanteuse, danseuse et comédienne bien connue à Lévis, le 6 octobre dernier.
Intéressée à collaborer au projet de transformation du temple catholique de la rue Saint-Laurent imaginé par la Maison natale de Louis Fréchette (MNLF), Lily Thibodeau a finalement décidé de déposer une offre d’achat à titre personnel lorsqu’elle a appris que l’organisme culturel lévisien n’allait finalement pas faire de même.
«Quand j’ai vu la pancarte, j’ai saisi la balle au bond. […] Mon but, c’est de redonner l’église à la collectivité avec mon projet. Il y a tellement de gens de la région qui ont des souvenirs rattachés à cette église. Ça appartient à la mémoire du public et ça aurait été un sacrilège de briser ce lieu-là. Le but du projet, c’est de remettre en valeur le lieu et que les gens se sentent encore à l’aise de venir le visiter», a partagé Mme Thibodeau, lors d’une entrevue téléphonique avec le Journal le 10 octobre.
Avec le temple, l’artiste lévisienne désire concrétiser un projet qu’elle a en tête depuis plusieurs années : le Bureau des arts et de l’audiovisuel du Littoral (BAAL). Cet organisme sans but lucratif qui serait créé en partenariat avec d’autres organismes culturels et des artistes de la région aurait pour mission de transformer l’église Sainte-Jeanne-d’Arc en un lieu ressemblant au Bureau estrien d’audiovisuel et de multimédia (BEAM), un projet de transformation de l’église de Saint-Adrien-d’Irlande réussi par l’auteur-compositeur, réalisateur et producteur Pilou.
Sur la table à dessin de Lily Thibodeau, l’église Sainte-Jeanne-d’Arc deviendrait un incubateur créatif multilocataire pour artistes professionnels. Les artisans professionnels des secteurs de l’audiovisuel, de la musique, de l’art littéraire et du cirque pourraient utiliser, à prix abordable, les locaux du temple catholique transformé, pour créer et pratiquer leurs nouvelles œuvres. Par cette mission, le BAAL ne veut pas «être dans les jambes» de lieux de diffusion lévisiens comme L’Anglicane et le Vieux Bureau de Poste.
«Avec ce projet, on veut attirer davantage d’artistes professionnels à Lévis. On veut que nos locaux soient accessibles à prix abordable, comme les artistes indépendants n’ont pas les moyens des gros producteurs pour avoir accès à ce type d’espace. […] On ne peut plus traverser à Québec pour faire nos répétitions, que ce soit en raison du trafic ou du manque de locaux à Québec. J’ai déjà du monde qui veut réserver les locaux en novembre 2024 pour monter leurs shows. Il y a un besoin pour ce type de service», a expliqué Lily Thibodeau.
L’église Sainte-Jeanne-d’Arc transformée dans le cadre du projet du BAAL pourrait également accueillir quelques événements culturels et des événements privés, comme des partys de Noël. De plus, Lily Thibodeau aimerait bien «respecter l’esprit du lieu» en préservant plusieurs œuvres présentes actuellement dans l’église et en mettant en place une exposition mettant en vedette les souvenirs des gens de la région attachés au temple religieux.
«Projet impressionnant»
Invité à commenter la décision de l’organisme, Roger Lachance, le responsable des communications du comité de la paroisse Saint-Joseph-de-Lévis sur l’avenir de ses églises, a fait savoir que le conseil de fabrique avait été séduit par la proposition de Lily Thibodeau.
«C’est le projet déposé qui a obtenu les meilleures notes après avoir passé à travers de notre grille d’évaluation, qui comprenait notamment un critère sur la préservation du bâtiment. Mme Thibodeau a une très bonne expérience et c’est un beau projet pour le coin. Ce fut un choix unanime des membres du conseil de fabrique et on est plus qu’heureux de l’offre de Mme Thibodeau. On a reçu des offres qui prévoyaient la démolition ensuite, mais nos objectifs, c’était de sauver ce témoin de l’histoire de ce coin de Lévis tout en libérant la paroisse des dépenses encore associées à l’église Sainte-Jeanne-d’Arc», a expliqué M. Lachance.
Du même souffle, le porte-parole de la paroisse dans le dossier a tenu à rappeler que Saint-Joseph-de-Lévis n’est que le gestionnaire du temple et que son véritable propriétaire est l’archidiocèse de Québec. Cette organisation a maintenant 90 jours pour approuver ou pas la transaction conclue.
Ouverture à une collaboration
Rappelons cependant que la MNLF planchait aussi sur un projet de requalification du site. En juin 2022, l’organisme lévisien a reçu une subvention de 34 500 $ du Conseil du patrimoine religieux du Québec, dans le cadre de la phase 1 du Programme visant la requalification des lieux de culte excédentaires patrimoniaux, pour lancer une étude de faisabilité pour transformer l’église Sainte-Jeanne-d’Arc en hub créatif littéraire et interdisciplinaire ainsi qu’en lieu de diffusion culturel pour la MNLF.
D’ailleurs, la MNLF a présenté les résultats de cette étude lors d’une rencontre avec des partenaires culturels lévisiens le 10 octobre. Des représentants des firmes embauchées par l’organisme, Chevalier Morales et ultralocal architectes, ont alors expliqué une «hypothèse» pour un projet de remplacement, qui contiendrait notamment un espace scénique modulable et un café.
Interrogée par le Journal avant cette réunion sur la décision de la paroisse d’accepter l’offre d’achat de Lily Thibodeau, Mélissa Simard, la directrice générale de la MNLF, a partagé que des discussions étaient «en cours» avec la possible future propriétaire de l’église Sainte-Jeanne-d’Arc et que la porte «était ouverte».
Un point de vue aussi partagé par Lily Thibodeau qui veut travailler en partenariat avec les acteurs culturels de la région pour concrétiser le BAAL, dont la MNLF. Elle voudrait miser sur l’étude de faisabilité de cet organisme pour obtenir une subvention ce printemps dans le cadre de la phase 2 Programme visant la requalification des lieux de culte excédentaires patrimoniaux, coup de pouce qui permettrait de transformer l’église Sainte-Jeanne-d’Arc en lieu culturel.